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Tokiwa ShioriMessages : 49
| Sujet: Mémoires de Shiori. Mar 10 Nov - 14:01 | |
| Tokiwa Nom : Tokiwa Prénom : Shiori Sexe : Masculin Age : 23 ans Clan : Miyamoto Profession : Samouraï Armes : Katana.
CONNAISSANCES ET AFFINITÉS
Tokiwa Mei : Mei est la mère de Shiori. C’est une personne extrêmement calme et qui prend le temps d’observer et de réfléchir avant d’émettre tout jugement. C’est une femme d’apparence banale, qui est à mi-chemin de la cinquantaine. Pour Shiori, c’est la personne la plus sage qui soit, et les rares fois où il rend visite à sa famille, il lui demande des conseils. Conseils qu’il ne remet jamais en question.
Tokiwa Hubu : Hubu est la petite sœur de Shiori. Il est de cinq ans son aîné. Sa gentillesse juvénile est contagieuse. Shiori est très protecteur envers sa petite sœur. S’il lui arrivait quelque chose il est certain qu’il accourrait. Et s’il ne pouvait rien faire, qu’il s’en voudrait toute sa vie. Très joueuse, et espiègle c’est sûrement celle qui est la plus heureuse quand il revient à la maison pour les voir. C'est aussi la seule personne au monde qui appelle encore Shiori '' Shinme ''.
Tokiwa Kara : Kara est la grande sœur de Shiori de quatre ans son ainée. C’est une jeune femme forte et pleine d’aplomb. Elle a appris à se défendre sabre à la main plus tôt que son petit frère. D’ailleurs ce dernier est encore aujourd’hui persuadé qu’elle aurait été une meilleure héritière de la lignée qu’il ne l’est. Shiori admire beaucoup la force de caractère de Kara, qui est, pour lui intouchable. Elle s’est mariée avant son départ, avec un noble d’une lignée amie de celle des Tokiwa et semble passer des jours heureux. En réalité ce n’est pas le cas mais elle ne l’avouera jamais à son petit frère.
Tokiwa Jimpachi : Shiori ne sait pas où est Jimpachi, son père génétique. Il s’en fiche d’ailleurs complètement à l’heure actuelle. Le passé entre le fils et son père est lourd.
Miyamoto Rukina : Daimyo des Miyamoto, c’est également, selon la tradition de la famille Tokiwa, la personne que Shiori devra protéger durant toute sa vie. Il respecte beaucoup Rukina en laquelle il retrouve beaucoup des qualités qu’il aime chez ses deux petites sœurs. Il la considère comme une amie malgré leur différence de rang, et mettrait sans douter sa vie en jeu pour la protéger. Elle a plus d’importance pour lui que le clan en lui-même ce qui fait qu’il la fera toujours passer avant les intérêts du clan, même s’il ne le dira pas forcément ouvertement pour s’éviter des ennuis.
Yoshioka Hikoyuki : Hiko et Shiori ont tous les deux les mêmes intérêts, mais ils ne sont jamais vraiment entendus. Hiko est un guerrier né, charismatique et fort. Shiori a tout misé sur un style pouvant masquer le fait qu’il n’est pas venu au monde avec ces qualités-là. Et le fait qu’ils soient radicalement opposés semble influer sur leur entente. Ce n'est pas qu'ils se détestent, plutôt qu'ils s'ignorent en-dehors de leurs travails respectifs. Ou peut-être que Shiori est simplement jaloux de sa force ou de sa relation avec Rukina ? Difficile de le savoir puisqu’il ne le sait pas vraiment lui-même.
Uo : Jeune soldat qui a récemment rejoint les rangs de l’armée du clan Miyamoto. Shiori le connait encore très peu, mais le jeune homme a le don de l’attendrir.
Shôma : Un homme rustre et violent qu’il a rencontré dans une forêt lors d’une mission. Shiori lui a laissé la vie après avoir remporté leur affrontement et lui a tranché les tendons des poignets afin de lui laisser le temps de méditer sa défaite et de trouver une nouvelle voie pour utiliser son sabre.
SUIVI RP
Dernière édition par Tokiwa Shiori le Ven 29 Jan - 1:55, édité 7 fois |
| | | Tokiwa ShioriMessages : 49
| Sujet: Re: Mémoires de Shiori. Mer 11 Nov - 18:45 | |
| Fragments de Souvenirs : L’amour d’une famille : Anecdotes de la jeunesse de Shiori.- Spoiler:
1662.
J’étais perdu. Un pan entier de mon monde venait de s’effondrer. Durant les premières années de ma vie, depuis que j’avais l’âge d’appréhender le monde qui m’entourait en fait, j’avais cru partager quelque chose d’unique avec mon père. Que, comme nos destinés étaient jumelles, nous étions particulièrement proches. Après tout, nous étions tous les deux amenés à devenir d’illustres samouraïs, au service du clan le plus honorable qui soit. Celui qui avait marqué l’histoire. Que, sous l’œil du dragon, nous tirerions peut-être nos sabres côte à côte pour défendre une cause noble et juste. Qu’un jour, je pourrais chercher dans ses yeux une raison de croire qu’il était fier de moi. Mais cet avenir ressemblait à un doux rêve désormais. J’étais assis sur un des rochers qui jonchait la route menant au temple. Pas le grand temple du Dragon, plutôt un petit temple de quartier. Où nous venions chaque matin, avec ma mère et mes sœurs, pour présenter nos respects aux Dieux et demander la protection et la bienveillance du grand Ryuu. Elles étaient venues avec moi, mais j’avais prétexté avoir vu un ami dans la foule pour demeurer quelques minutes de plus. Est-ce que papa avait jeté la honte sur notre famille ? Est-ce que le dragon ne voudrait plus de nous maintenant ? Nous avions, comme tous les jours, demandé sa bénédiction mais la méritions-nous seulement ?
Une femme passa à côté de moi. Elle allait vers le temple avec son petit garçon. Je le connaissais de vue. Lui aussi, visiblement, car il tirait avec insistance sur le kimono de sa génitrice en me pointant du doigt. Je serrais les dents, car j’entendais parfaitement tout ce qu’il lui disait.
‘’ Regardes ! Maman ! C’est le fils du samouraï qui a déserté ! Le fils du traître ! ‘’
Je maudissais les nouvelles de circuler aussi vite, mais je me repris très vite. Après tout, à quoi cela servirait de le cacher ? La vérité était dure, mais je ne pouvais pas l’éviter. J’étais le fils d’un déserteur. Le fils d’un lâche. Qui était parti sans se retourner, abandonnant son destin, ses amis, la femme qu’il aimait, et toute sa famille. Sans se soucier de ce que nous endurerions après son départ.
Et c’était si … inattendu. Être trahi par quelqu’un en qui on avait confiance était déboussolant. Et ce qui importait le plus en ce moment, c’était le regard des autres. J’y voyais la vérité. Si mon père était comme ça, ça signifiait que moi aussi j’allais devenir comme lui. Je jetais un regard hargneux à l’autre gamin, et il se refugia de l’autre côté de sa mère, qui me lança un regard désapprobateur. L’évidence me frappa dans ce regard. Je n’étais plus du clan Miyamoto. Pas aux yeux des autres habitants d’Hakune. Papa avait jeté le déshonneur sur la famille Tokiwa. Une famille de traitre. La vérité était dure à encaisser. Quand bien même son père était le seul concerné, les décisions du chef de famille faisaient loi. Et la sienne était un peu trop évidente pour nous laisser une chance, à maman, Hubu, Kara et moi. Je me dirigeais vers la demeure familiale d’un pas lourd.
Curieusement, alors que je m’étais attendu à du calme voire de l’abattement, il semblait y avoir un semblant de vie ici. Un vieil homme était présent, et semblait s’entretenir avec ma mère, Tokiwa Mei. Un peu surpris, je tentais de me faufiler à l’intérieur sur la pointe des pieds, mais ce fut malheureusement impossible. Les regards se soulevèrent vers moi dès que je fis mon apparition. Les deux protagonistes me sourirent, apparemment contents de me voir. C’est sans doute ce qui me surprit le plus de la matinée. Ma mère me fit un geste de la main pour m’inviter à venir m’asseoir. Ce vieil homme était venu parler de papa ? Je m’agenouillais avec cette question en tête. Je le reconnaissais, je l’avais déjà vu une fois : c’était M.Chô, un des deux anciens, censés conseiller le ou la Daimyo et l’aider à diriger le clan. Il m’avait toujours paru sympathique, avec un air plutôt bonhomme et une allure qui m’incitait à lui faire confiance. Seulement, avec l’évènement d’il y a quelques jours, j’étais suffisamment sur la défensive pour me méfier de ce qu’il avait à dire. Je fis néanmoins un effort de bien-paraître et saluais le nouvel arrivant.
‘’ Bonjour, M.Chô. ‘’
‘’ Bonjour mon garçon. C’est bien que tu sois là. Je suis venu exprimer à ta mère, à toi et à tes sœurs mon soutien, et celui du clan Miyamoto. ‘’
‘’ Votre … Soutien ? ‘’
‘’ Bien entendu. Ton père a pris la décision de déserter le clan et de fuir ses devoirs. Ce n’est pas pour autant que le clan n’est pas reconnaissant de tout ce que vous avez fait pour lui durant des années. Nous sommes plus que disposés à vous laisser une seconde chance. Tu es l’héritier du clan Tokiwa, aussi, que penses-tu de regagner l’honneur de ta famille aux yeux de tout le monde, et de faire fièrement briller votre blason au côté du clan Miyamoto ? ‘’
Le vieil homme et son sourire semblaient avoir clairement lu dans mes sentiments, mais je ressentais un soulagement tellement immense que je ne pris même pas attention à tout cela. A côté de moi, ma mère me regardait avec un sourire qui m’incitait à me sentir vraiment mieux. Avec le recul je ne pense pas qu’elle ait apprécié qu’on me propose de prendre la place de mon père à mon âge. Mais elle devait être résolue ou contente d’une certaine manière.
‘’ Je le ferais M.Chô. ‘’
‘’ Tu as déjà rencontré Rukina, je crois. Tu devras la protéger après avoir accompli ta formation avec Tokagiri. Tu sais en quoi ça consiste ? ‘’
‘’ Pas … Pas vraiment. P… Enfin, on ne m’a jamais trop parlé de tout ça. Je sais juste que nous sommes des samouraïs, et que nous protégeons notre seigneur. ‘’
‘’ Protéger. C’est le mot clé. Plus qu’un samouraï, tu vas devenir un protecteur. Mais ton Maître t’expliquera tout cela mieux que moi. Il doit venir à la capitale bientôt, nous avons envoyé un messager. Dans six mois tout sera prêt et tu commenceras ta formation. ‘’
Si tôt ? Ma mère semblait se poser la même question, car elle détourna le regard. Je vis une ombre de tristesse compréhensive passer sur le visage du vieil homme.
‘’ Je suis désolé, Mei. J’aurais réellement préféré que votre fils commence sa formation tardivement, ou puisse choisir lui-même sa voie. Mais la loi sacrée est formelle : l’héritier masculin et vivant de la lignée Tokiwa doit protéger notre Daimyo. Comme Jimpachi n’est plus considéré comme un Miyamoto, ou un Tokiwa, Shinme est désormais l’héritier légal. Il est vraiment jeune, je m’en rends bien compte. Commencer cette formation à six ans est difficile … Mais il faut qu’il soit là et prêt quand Dame Rukina atteindra l’âge adulte et deviendra chef du clan. ‘’
‘’ Ne vous en faites pas … Ce n’est pas son âge que je remets en question. Je suis persuadée qu’il fera le plus merveilleux samouraï qu’on ait jamais connu. ‘’
‘’ Voulez-vous me confesser vos raisons ? ‘’
‘’ Je n’ai rien à cacher, M.Chô. Shinme est merveilleux, une flûte entre les mains. Il sait aussi chanter. J’ai toujours pensé qu’il pourrait peut-être devenir un artiste reconnu, voire même être à la cour du palais. Et j’ai souvent eu l’impression que c’était son désir aussi. En tant que mère, voir mon fils s’en aller pour une voie aussi compliquée et aussi éloignée de ses envies est juste difficile. Mais ne vous en faites pas. Je sais bien quelle est la situation. ‘’
‘’ Je réussirais maman. Je ne suis pas un traitre. Je peux devenir samouraï. En plus, si papa n’est pas là qui protègera Ruki ? Je ne vais pas me défiler ! ‘’
M.Chô paraissait gêné, peut-être même peiné. Mais j’étais déterminé à ce qu’on ne juge pas ma famille sur les actions de mon père. Il se leva, apparemment la discussion était terminée.
‘’ Je vais vous laisser ici. Shinme, ton maître viendra directement ici, sois prêt quand il arrivera. Et … Souviens-toi d’une chose pendant ton entrainement : peut-être arrivera-t-il des moments où tu penseras ne pas avoir l’étoffe d’un samouraï. Détrompes-toi. Quand j’ai demandé à ta mère ta plus grande qualité, elle m’a dit que tu avais bon cœur. Je pense que ce cœur te donnera toute la détermination et la force dont tu auras besoin pour devenir celui que tu dois être. Ne te perds pas en chemin comme l’a fait ton père. Le clan, Rukina-sama, et moi-même, nous comptons tous sur toi. Le Dragon a choisi ta lignée. ‘’
M.Chô me parut encore plus amical qu’il ne l’avait été. J’approuvais avec un grand sourire.
‘’ Merci M.Chô ! Je vais faire de mon mieux, je vous le promets. ‘’
M.Chô est important pour moi. En tant que personne, parce que c’est quelqu’un de bien. Mais aussi parce qu’il symbolise un moment important de mon existence. Un geste. La main tendue du clan Miyamoto vers ma famille, malgré la trahison de mon père. Le signe que le lien entre nos deux familles était fraternel, non pas simplement protocolaire. Nous n’étions pas simplement les gardes du corps des Daimyo à travers les époques. Nous étions plus. Une seconde épée, quelqu’un sur qui compter. Que M.Chô soit venu nous rendre visite avait une importance cruciale. C’est pour ça que le souvenir avait été marqué au fer chaud dans mon esprit comme un jour à ne jamais oublier. L’absence et la honte d’un père : Divergence de point de vue sur Tokiwa Jinkido, honte d’un père qui a déserté son rôle. Il est considéré comme un traître et un déserteur par son clan et sa propre famille. Shiori le croisera durant son apprentissage, et devra faire un choix.- Spoiler:
1673.
La pluie. J’accueillis son arrivée avec un sourire désabusé. Elle convenait parfaitement à la scène dramatique qu’elle arrosait. En tous cas nous étions sur la frontière avec Iwami, déjà loin des lieux protégés par le dragon Ryu et donc hors de son rayon d’influence. Cette pluie n’était qu’une pluie, une ironie du sort. Ce n’était pas un signe de tristesse, une incitation à la mélancolie. Elle ne changeait rien aux sentiments qui m’agitaient.
Je détaillais l’homme qui me faisait face. Il me dépassait d’une tête, et était bien plus musculeux. Mais je reconnaissais le vert de mes yeux dans les siens, et il arborait le même châtain que mes cheveux, dans une crinière qui lui tombait jusqu’au bas du dos. Quand j’avais posé la main sur la poignée de mon katana pour me mettre dans la position de l’iaidô, il avait reproduit mon mouvement à l’identique. Nos techniques de combat seraient sans aucun doute semblables elles aussi. Comment est-ce qu’on en était arrivé là, papa ? Je voulus lui poser la question, mais aucun mot n’était capable de sortir de ma bouche. Depuis que j’avais commencé à étudier l’art du sabre auprès de Tokagiri, je n’avais jamais était autant en proie au doute une fois que j’avais posé mes doigts sur la poignée de mon katana. Ma résolution était plus qu’ébranlée. Elle était à mi-chemin d’être complètement détruite. Plus je regardais cet homme et plus elle faiblissait. Et prononcer le moindre mot m’était difficile.
‘’ Tu vas vraiment dégainer ton arme contre ton propre père ? ‘’
Je n’avais pas envie de le faire. Vraiment. Mais quel genre de réaction pouvais-je adopter mis à part celle-là ? Mon père avait tout abandonné pour fuir. Sa famille, son destin, son honneur. J’aurais pu comprendre qu’il fuit avec sa famille en laissant son destin de côté. Je ne l’approuvais pas mais je pouvais le comprendre. Tout le monde n’a pas la force de parcourir la route que les dieux ont tracée. J’aurais aussi pu comprendre qu’il choisisse le destin et l’honneur, et laisse sa famille derrière lui. Je lui aurais pardonné, même, je pense. Mais qu’il ait abandonné les trois, pour ça, je ne pouvais lui trouver aucune excuse. Malgré tout ça, et tout ce que j’avais contre cet homme, c’était la première fois que je le voyais. Et maintenant que je le voyais je ne pus retenir mes larmes.
‘’ Un samouraï ne doit pas pleurer devant son ennemi, Shinme. Je pensais que Tokagiri t’aurais au moins appris ça. ‘’
J’essuyais mes yeux d’un revers de manche. Ses paroles avaient transformées mon expression hésitante et larmoyante. Mes traits s’étaient instantanément tirés en les entendant, et ma résolution était désormais plus ferme. Mes yeux luisaient d’une agressivité toute neuve. Je venais de me rappeler tous ses torts.
‘’ Tu n’as pas le droit de dire quelque chose comme ça. Que sais-tu des samouraïs ? Je n’en suis peut-être pas un mais je le serais bientôt. Toi, tu as carrément fuit. Je n’ai pas de leçon à recevoir de toi.
- Je n’ai pas fui Shinme. J’ai choisi.
- Tu n’avais pas à le faire ! Ce choix-là n’appartenait pas qu’à toi ! ‘’
J’avais fait un mouvement violent de la main, éclaboussant Jimpachi. Les quelques gouttes ne le déridèrent même pas. Il ne cillait pas. Aucune expression ne traversait son visage. Pas de doute, pas de tristesse, pas de regrets. Sa voix ne vibrait d’aucune émotion. Il avait appris à les maitriser, bien entendu. Mais j’en venais même à lui reprocher cette maitrise de lui-même, l’attribuant à l’attitude de quelqu’un d’insensible. Il n’avait donc aucune justification. J’avais espéré, durant quelques secondes, qu’il m’en fournirait une. Quelque chose que j’ignorais, un secret. Mais ça revenait à espérer un miracle. Ils arrivent, parfois, mais ils sont tellement rares qu’il vaut mieux ne pas compter sur eux. Et là il n’y en avait aucun. Cet homme n’avait rien de valable pour faire taire ses détracteurs, rien qu’il eut réservé pour son propre fils afin d’obtenir son pardon. C’en était de trop. Je ne pouvais plus tenir. Je devais faire mon devoir. D’un élan, je fus au corps à corps, et mon sabre avait suivi la course de mon corps. Le sabre de Jimpachi réussit à parer l’attaque mais d’extrême justesse. Les yeux rivés sur mon opposant, je vis passer la lueur incrédule dans son regard. Il m’avait apparemment sous-estimé, et avait eu des difficultés à éviter un coup mortel. Je poussais l’avantage, pour ne pas lui laisser le temps de se reprendre. Seulement, petit à petit, il commença à se défendre plus sereinement, et finit par repousser l’assaut et reprendre de la distance.
Si je l’avais attaqué pour de bon, je l’aurais sans doute pris au dépourvu et je l’aurais tué. Mais je n’avais pas pu le faire. Quand bien même je haïssais cet homme, je n’arrivais pas à m’imaginer transpercer le corps de mon père avec mon propre katana.
‘’ Pourquoi tu es venu ? Tu as décidé de tout abandonner, non ? Tu n’avais pas à revenir. La honte que je ressens à l’idée d’être ton fils ne te suffit pas ? Tu veux en rajouter en me prouvant que je ne suis pas capable de te tuer malgré ce que tu as fait ?
- Tu n’y es pas Shinme. J’ai fait un choix, et j’ai promis à ta mère que je te laisserais l’opportunité de faire le même quand tu saurais tout ce que tu as à savoir pour le faire par toi-même. Si je t’ai retrouvé c’est pour t’expliquer et te permettre de choisir à ton tour.
- …
- Notre famille protège l’héritier de la famille Miyamoto. On t’a expliqué ce que cela implique, non ? Ta vie ne t’appartient pas, elle est toute entière dévouée à quelqu’un d’autre. Tu dois comprendre que dès l’instant où tu choisis cette voie ta propre vie deviendra, à tes yeux, moins importante que celle d’un parfait inconnu. Et ce durant toute ta vie. Si j’ai refusé cette voie, c’est parce que je ne suis pas capable de me sous-estimer à ce point-là. Tu dis que j’ai perdu mon honneur en fuyant, mais c’est ma fierté que j’ai protégée. Regarde où ça a mené mon père. Miyamoto Ieyasu a choisi de livrer un duel sans se soucier de ce qu’il adviendrait de son protecteur. Et il a perdu, les condamnant tous les deux à la mort. Lui, son honneur est sauf : il a perdu au cours d’un affrontement en face à face. Mais et Jinkido, ton grand-père, dans tout ça ? Il est mort avant l’homme qu’il devait protéger sur un caprice de ce dernier ! Il a sacrifié son honneur et sa vie pour un dirigeant qui se fichait pas mal de lui ! La voilà, la réalité des choses, Shinme ! Si tu choisis de suivre la voie des dieux, tu ne seras qu’un pion de luxe pour ton Daimyo, rien de plus ! Tu auras une place, de la force, ta famille sera respectée ! Pour que ton existence n’ait qu’un sens apparent, que ta mort effacera par le déshonneur ! C’est vraiment ça que tu veux ?! ‘’
Mon sabre ne fit aucun bruit en s’écrasant au sol. L’onde sonore fut avalée par la boue en même temps que la moitié inférieure de l’arme. La voilà, la vérité. Toute la vérité, de la bouche même de celui dont l’existence m’avait fait tellement douter durant toutes ces années. Ce qui me chagrinait le plus, c’était que ses mots sonnaient juste. Et je ne savais réellement pas quoi penser. Encore déconcerté, je m’accrochais à un dernier argument, une dernière chose qui m’échappait encore pour comprendre le tout :
‘’ Et maman dans tout ça ? Pourquoi tu es parti sans elle ?
- Parce qu’elle n’a pas voulu m’accompagner. Elle ne m’a jamais clairement répondu, je ne sais pas si elle a eu l’envie de me suivre à un moment ou à un autre. La seule réponse qu’elle m’a donnée vous concernait, toi et tes deux sœurs. Elle ne voulait pas que vous soyez les enfants de deux déserteurs avant même d’avoir pu avoir l’occasion de penser par vous-mêmes. Elle a placé le choix que le destin de la famille Tokiwa finisse ou continue entre tes mains. ‘’
Je baissais les yeux. L’obscurité et mes cheveux, aplatis par la pluie, devaient me donner un air sinistre mais j’étais à des années lumières d’y songer. Choisir entre la voie que les dieux avaient tracée pour moi ou m’en détacher et vivre une vie de vagabond en prenant tous les choix par moi-même. C’était ce choix que Jimpachi voulait m’imposer. Comme s’il n’y avait que deux choix ! Le souvenir de ma future Daimyo était flou. Je ne l’avais rencontré que quand j’étais enfant. Je savais déjà, à l’époque, qu’un jour je devrais la protéger, mais les détails m’échappaient alors. Et jamais, depuis, je n’avais été capable de penser qu’un jour cette petite fille trahirait ma confiance. Et ce même si je ne la connaissais pas encore. D’une petite voix, j’entonnais :
‘’ Tu sais, pour moi, Jinkido était un héros. Pouvoir sacrifier sa vie et son honneur pour quelqu’un, je trouve ça magnifique. Je ne pense pas qu’il ait pu le faire simplement parce que Ryu lui a choisi ce destin. Malgré mon respect pour le dragon c’est bien trop peu. Les hommes n’ont pas une conviction aussi forte. Ce genre de conviction est du domaine des dieux, justement. Nous, on fonctionne avec de la réflexion et des sentiments. Le pur instinct, ou le savoir absolu qu’ils ont n’a pas les mêmes exigences. Je suis persuadé que Jinkido avait confiance en Miyamoto Ieyasu, et qu’il l’aimait profondément pour ce qu’il était. Si les dieux ont placé ce destin entre nos mains, ce n’est pas pour que nous protégions des êtres indignes de notre confiance. Je te remercie de ne pas m’avoir entraîné dans ta trahison, et de m’avoir laissé choisir la voie qui me paraissait la plus juste, papa. Mais moi je vais choisir la voie que les dieux ont tracée pour moi. Malgré tout ce que tu dis, je pense que mon idéal se trouve dans cette voie. J’espère qu’un jour j’atteindrais cette confiance aveugle que Jinkido a pu avoir en Ieyasu. C’est pour moi plus important que de choisir ma propre voie. Non, contrairement à ce que tu dis il y a une troisième manière de voir les choses. Pour moi, la voie que m’impose le destin et la voie que je choisis sont la même. Je n’ai pas à choisir, comme tu l’as fait. ‘’
Mon corps se courba tout seul pour ramasser mon katana, avec lequel je frappais sèchement l’air par deux fois pour le débarrasser de la boue qui le recouvrait, avant de le rengainer.
‘’ Je ne te pardonnerais pas, malgré tout. Pas de cette manière. J’ai besoin d’une chose de plus pour le faire. Es-tu prêt à écouter et à répondre à une question de plus ?
- Je t’écoute. ‘’
D’un mouvement lent, si hésitant qu’il en devenait presque théâtral, je sortis la shinobue qui était à l’intérieur de ma veste, et je la portais près de ma bouche.
‘’ Ecoutes cette mélodie jusqu’au bout. Ah, et voici ma question, papa : est-ce que tu penses, au plus profond de toi, que ton choix était le bon ? Le plus juste et le plus courageux. Ou n’était-ce que de la lâcheté et de la peur ? ‘’
Les notes débutèrent, très lentes. Très longues. Le son enveloppait nos deux corps d’un fin rideau, qui nous fermait complètement au monde extérieur. Je perdis immédiatement tout contact avec le reste du monde, prostré désormais sur moi-même. Les notes étaient toujours aussi douces et graves, mais elles se firent bien plus bruyantes. Elles résonnaient bien plus loin au fond de l’âme, au fur et à mesure qu’elles y pénétraient. Toute personne qui écouterait attentivement cette mélodie et la laisserait s’emparer de lui chercherait au fond de lui la réponse à la question que je venais de poser. S’il la possédait, il la trouverait. Et la mélodie de l’instrument ne m’excluait d’ailleurs pas du processus, puisque j’étais la personne la plus proche de la mélodie, et celle qui l’entendait donc avec le volume le plus élevé. Jimpachi et moi étions tous les deux en train d’explorer notre âme, toute entière, pour savoir si nous acceptions le choix qu’il avait fait il y a des années. Lorsque la dernière note s’estompa, mon père avait les larmes aux yeux, tandis que les miens étaient redevenus secs, et mon regard plus déterminé que jamais.
‘’ Tu dis que tu n’as rien voulu imposer à tes enfants, mais malgré tout j’ai vécu jusqu’ici en sachant que j’étais le fils d’un traitre. Dans la honte. J’ignore si elle m’a poussé à vouloir faire mes preuves plus que de raisons ou non. Toujours est-il que par ta faute j’ai grandi sans père. Et pire encore, Kara et Hubu n’en ont pas eu non plus. Hubu ne se souvient même pas de ton visage, tu le sais ça ? Toutes tes explications sonnent peut-être bien, mais je ne peux pas excuser ce que tu as fait. En plus, nos deux voies entrent en contradiction. Je n’ai peut-être pas la force de lever mon arme contre toi cette nuit, mais ma conviction ne sera pas toujours aussi faible, papa. Pars loin d’Higo. Si tu y reviens et que je l’apprends, tu constateras que ton fils est plus fort que tu ne le penses. ‘’
Je tournais les talons, en l’entendant trébucher, les genoux dans la boue.
‘’ Shinme … ‘’
Mes yeux se tournèrent sèchement vers lui, pour lui dire une dernière chose avant que nous ne nous quittions définitivement.
‘’ Je te remercie de m’avoir dit toute la vérité. C’est la raison pour laquelle je prétendrais ne jamais t’avoir rencontré. Mais la prochaine fois que je te verrais, je te tuerais. Alors vas-t-en. ‘’ La voie du sabre : Jeu de jambes, iaidô, points vitaux. Les enseignements personnalisés de Tokagiri pour permettre à Shiori de porter un sabre et de construire ses propres qualités.- Spoiler:
1664-1670 :
Je m’effondrais dans la boue, vaincu par les bleus et la fatigue. Mes oreilles bourdonnaient encore de tintements métalliques, alors que plus aucun bruit ne surplombait celui du vent. Soudain, je réalisais que pour la première fois lors d’un entrainement, mon sabre n’avait quitté ma main. J’étais parvenu à le cramponner. Un sourire naquit sur mes lèvres. Ca pouvait paraître être une maigre consolation, mais au vu de la violence des attaques de Tokagiri, c’était énorme pour moi. Il ne m’épargnait rien, et visait souvent mes bras pour les affaiblir. La douleur dans les bras m’usait moralement, et tout devenait toujours une question d’endurance, à la fois mentale pour surmonter la douleur et physique pour surmonter la fatigue. Et quand il disait que c’était fini, à la tombée du jour, je tombais, encore ivre de bruits, de douleurs, et d’épuisement.
J’avais passé une année entière à apprendre comment tenir un sabre, à adopter une posture de combat, ainsi que les déplacements et les frappes de base de l’art du kenjutsu. Quand Tokagiri avait jugé que tout cela était acquis, on était passés à la pratique. Et depuis deux semaines, je passais mes matinées à étudier et à méditer, et mes après-midi à me faire dérouiller. Puis, la première partie de la nuit, nous marchions en discutant, avant de trouver un endroit où camper et manger. Parfois, nous atteignions un village et nous prenions une chambre et un verre de saké. Mais la plupart du temps, les étoiles étaient notre seule compagnie. Au début, parvenir à desserrer les dents pour mâcher après avoir trainé ma carcasse sur quelques kilomètres relevait de l’exploit. Mais cette fois, au terme des cinq minutes de pause lâchées par le vieil homme, je parvins à me redresser et à me mettre en marche. D’habitude, on abordait des sujets assez vagues. Philosophie, interrogations sur la vie, l’éthique, la vérité. On trouvait toujours un truc pour s’aérer et l’esprit et se triturer les méninges. Tokagiri disait que quelqu’un qui portait une arme n’avait pas le droit d’être un crétin. Que c’était à cause de ça que les plus grands malheurs des hommes étaient advenus. Mais cette fois, le sujet qu’il aborda était quelque chose de bien plus concret.
‘’ Tu es plus coriace un sabre à la main qu’il y a deux semaines, Shinme. Tu progresses, je dois t’avouer que je suis fier de toi. J’ai rarement vu un garçon de sept ans aussi tenace un sabre à la main, et tu as réussi à le garder en main pendant toute la durée de notre entrainement pour la première fois. Je te félicite. J’aimerais te poser une question, maintenant. Qu’est-ce qu’il y a de plus important pour toi dans l’art du sabre ? Qu’est-ce qui fait la différence de force entre deux personnes qui ont eu un enseignement dans cet art ? ‘’
Je ne répondis pas immédiatement. La réponse précipitée me valait toujours une claque retentissante lorsqu’elle se révélait fausse. Tokagiri m’avait répété des milliers de fois qu’on ne répondait vite que lorsqu’on avait l’esprit suffisamment agile pour peser rapidement le pour et le contre. Et ce n’était pas encore mon cas. Et même le plus sage des hommes devait parfois prendre le temps de ravaler sa langue pour ne pas dire quelque chose qu’il regretterait. C’était plus pour la claque que pour trouver quelque chose de satisfaisant que je me retenais, cela dit. J’étais bien trop las pour considérer proprement la question. Comme d’habitude, j’allais tomber à côté de la bonne réponse, de toute manière. Du coup, je tentais quelque chose qui contournait la question. Le plus souvent, c’était là que je me trompais le moins.
‘’ Je pense que tout est important et que rien n’est à négliger.
- T’as rarement été aussi près de la vérité. Dommage que tu ais dit ça au hasard. Effectivement, rien n’est à négliger. Ce qui signifie que bien souvent, peu importe le style, ce sont les bases qui importent dans un duel entre deux personnes exactes. Et les bases du sabre, c’est la capacité à te concentrer et à garder ton esprit alerte, la vivacité de ton œil et sa capacité à relayer les informations à ton esprit, et la maitrise des bases du sabre, la profondeur avec laquelle elles sont ancrées dans ton propre corps.
- Si vous dites ça pour que je ne sois pas impatient d’apprendre des techniques secrètes géniales et tape-à-l’œil ce n’était pas la peine, Maître. Je ne suis pas du genre à négliger les bases parce que je les pense acquises. Je continuerais à apprendre les bases du sabre, à répéter les mouvements que vous m’avez enseignés tous les matins, à observer ce qui m’entoure, à garder mon esprit aux aguets en toutes circonstances. Pas une seule journée ne se déroulera plus sans que je déroge à ce rythme et j’ancrerais l’art du sabre au plus profond de mon corps. Il sera mon mode de vie.
- Cette discipline est exactement ce que je souhaitais entendre. Cependant, il est également de mon devoir de te mettre à nouveau en garde. Tu dois apprendre à être juste, et à jauger intelligemment une situation. Ce n’est pas nécessaire pour vaincre un adversaire, d’être quelqu’un de bon. Mais le clan Miyamoto attend d’un protecteur de la Daimyo qu’il soit quelqu’un possédant un sens aigu de la justice et de l’honneur. Alors continue à te poser les bonnes questions. ‘’
Je ne répondis pas. Un village venait d’apparaître à l’horizon, ravivant mon sourire. J’allais avoir le droit à un vrai repas, à un vrai lit, ce soir. C’était la récompense pour avoir franchi une étape. J’avais déjà hâte d’être à la prochaine.
Les journées allaient s’enchainer de la sorte durant des années. Six années très exactement. Six années avec ce même programme. Etudes et méditations pour la matinée. Affrontement en mettant toutes les bases du sabre à l’œuvre tout l’après-midi, avec de moins en moins de pauses et des échanges de plus en plus longs. A la tombée du jour, une grande marche tout en discutant. Puis, chasser et camper. Ou bien atteindre un endroit où dormir. Six années. Mais à treize ans, je ferais un constat très simple : jamais je n’avais battu Tokagiri. Il me certifiait que mes bases étaient excellentes, mais je commençais à avoir vraiment peur. Je ne grandissais pas beaucoup, ma masse musculaire ne grandissait que très peu elle aussi, et je commençais à craindre de ne jamais pouvoir le battre.
Tokagiri m’apprenait à me battre malgré les doutes, à ne pas hésiter malgré tout. Mais ça ni lui ni moi ne le savions. Malgré tout, une fois que mon sabre était rengainé, ils m’assaillaient de plus belle. Pouvais-je réellement devenir un samouraï ?
- Spoiler:
1670 :Je jette mon sabre au loin. De toutes mes forces. L’arme ricoche contre le sol avec un bruit de ferraille ridicule et roule dans la poussière. J’étais assis par terre, les fesses dans le sable, et l’arme n’était heureusement pas parti trop loin. Elle avait roulé à quelques mètres, et les vagues qui s’abattaient sur la côte la léchaient à peine. L’incompréhension parcourut le regard de Tokagiri, qui semblait stupéfait. Je lui répondis par des yeux que je voulus pleins de défi et de provocation ; il me révèlerait plus tard qu’il y avait lu un grand désespoir. Mon maître s’approcha, à pas mesurés, et me tendit la main pour m’aider à me relever. Je perdis vite mes élans farouches, et l’attrapais pour me laisser hisser de nouveau sur mes pieds. Pour mieux y retourner. La gifle tonitruante que m’assena mon mentor m’envoya de nouveau dans le sable. La carrure de Tokagiri et la surprise ne m’avaient toutes deux laissées aucune chance.‘’ Ramasses tout de suite ton arme. Et retournes au village dans lequel nous avons dormi la nuit dernière. Tu y trouveras un autel pour prier le Dragon. Vas t’excuser de l’offense que tu viens de lui faire. ‘’L’offense que je venais de lui faire ? En jetant mon arme de la sorte ? C’était plus de l’exaspération qu’autre chose. Enfin c’était ce que je croyais. En réfléchissant quelques instants, je compris que j’étais en train d’abandonner. Quand bien même, j’avais du mal à voir le mal dans mon abandon, vraiment.‘’ Je vais y retourner, et je m’excuserais. Mais je lui présenterais aussi mes adieux, Maître. J’ai suivi une voie qui n’est pas celle que je voulais parce que le Dragon l’a choisie pour moi. J’ai toujours cru que c’était le bon choix. Qu’il en savait plus que moi et que je trouverais l’honneur, puis le bonheur comme récompense tout au bout de ce chemin. Je me suis efforcé de faire confiance et de ne pas douter de lui, à défaut de douter de moi. Mais tu réalises la situation encore mieux que moi n’est-ce pas ? - Shinme …- Non ! Je ne peux plus y croire ! Et tu le sais très bien ! Quand j’étais enfant, j’étais peut-être le plus prometteur que tu aies eu à entrainer, mais j’étais enfant ! J’ai à peine grandi, je n’arrive pas à me muscler autant que je le voudrais ! Je n’ai pas le corps qui convient à la personne qu’on me demande de devenir. Tu sais ce qu’il y a au bout de ce chemin ? Un combat à mort. Et c’est moi qui le perdra. Entrainant la mort de la personne que je dois protéger ! Je refuse de prêter un serment que je ne pourrais pas tenir et qu’on m’offre des responsabilités et une tâche que je ne pourrais pas accomplir ! Le Dragon veut que je protège son héritière et ne m’en donne pas les moyens ! Je suis sûr que quelqu’un d’autre de bien plus talentueux sera choisi à ma place, Tokagiri. Et je préfère savoir qu’elle est en sécurité que de savoir que je vais la faire tuer un jour. - Tu penses réellement ce que tu dis ? - Oui. La meilleure manière de faire ce que le destin me demande, c’est d’aller contre la volonté des Dieux. Je serais peut-être dans le pêché mais ma cause sera juste et fidèle. ‘’Tokagiri avait les larmes aux yeux, c’est pourquoi je me détournais. Je n’aurais pas la force d’affronter le chagrin de cet homme qui fut comme mon père pendant tant d’années. Enfin, je croyais à des larmes de chagrin. En réalité et cela aussi je l’apprendrais plus tard, c’était des larmes de fierté. J’avoue que j’ai mis du temps à comprendre pourquoi il avait été fier de moi à ce moment précis. Il aurait préféré que je n’abandonne pas en cours de route. Mais tous les hommes qui parcourent une route périlleuse sont parfois en proie aux doutes et pensent à faire demi-tour. Ce qui avait ému Tokagiri c’était que je n’avais ni douté de lui, ni même de moi ou des dieux. Pas même de mon futur seigneur. C’était juste que comme il me l’avait enseigné, j’avais choisi le chemin qui me paraissait le plus approprié. Celui qui était en accord avec ma définition de ce qui est juste. Je crois que le vieil homme ne s’est jamais senti aussi proche de moi qu’à ce moment-là. C’était un des grands points qu’il avait voulu m’enseigner ces dernières années. ‘’ Très bien, Shinme. Mais sache qu’il existe peut-être des apprentissages qui pourraient pallier les faiblesses que tu as évoquées. Que tu peux exploiter d’autres qualités que tu possèdes. Mais si tu n’as pas foi en ta capacité à protéger, tu prends la bonne décision. Prends ton sabre et vas prier. Je t’attendrais ici pendant trois jours. Si au bout de cette période le Dragon ne t’a pas envoyé un signe favorable ou défavorable, je retournerais à Hakune. Et je répèterais tes mots pour expliquer ton choix. - Je ne suis peut-être pas encore un homme, Tokagiri, mais on attend de moi que j’agisse en tant que tel. J’irais moi-même dire ces mots et expliquer mon choix. S’il doit me coûter la vie d’avoir du bon sens et de ne pas risquer celle de quelqu’un d’autre, je le ferais. C’est également ce que l’on attend de moi, n’est-ce pas ? D’être prêt à donner ma vie pour protéger. ‘’Je ramassais mon arme et utilisait ma veste pour la sécher, avant de la remettre dans son fourreau, et de prendre la direction de la ville sans regarder en arrière. Si j’avais regardé en arrière, je ne suis pas certain de ce que j’y aurais vu. Mais j’étais certain que je n’avais pas envie de le voir.… Je suis adossé au mur de la maison. Le ciel verse des torrents entiers d’eau salée, et je ne suis épargné que par les rebords du toit de l’auberge. Ca fait déjà plus d’une journée que je suis revenu au village, et que j’y ai pris une chambre. Le gérant a fait quelques difficultés, se demandant ce que pouvait bien faire un adolescent de passage dans les environs. Je crois que c’est le sabre que je porte au côté qui l’a fait hésiter. Il ne voulait pas de problèmes. Soit. J’étais parvenu à le rassurer en lui disant que j’étais venu m’abriter le temps que mon maître fasse quelque chose et ne vienne me retrouver. Depuis, je ne m’étais pas vraiment éloigné. J’étais allé au temple comme me l’avait demandé Tokagiri, et je n’y avais trouvé aucune réponse. Le Dragon ne m’avait fait aucun signe, d’aucune sorte. Et c’était peut-être cela, le signe, après tout. Les Dieux façonnaient les destinées, mais ne nous obligeaient pas à les emprunter. Au final, le choix de l’homme restait le choix de l’homme.Je soupirais, avant de pousser la porte. Je voulais aller faire un tour dans le village, marcher un peu, me changer les idées, mais c’était peine perdue. Il pleuvait trop fort, je risquais surtout de me retrouver trempé et d’attraper un bon vieux rhume des familles. ‘’ Shinme ! ‘’Je souris en voyant la gamine courir vers moi. C’était la petite-fille du vieil aubergiste. Ses deux petits-enfants m’aimaient bien, c’était une autre des raisons pour lesquelles il m’avait permis de rester quelques temps dans son établissement malgré mon allure suspecte. ‘’ Que se passe-t-il Fuyuko ? Tu parais bien essoufflée.- Akiho est méchant avec moi ! Tu veux pas lui mettre un coup de katana ? ‘’Le dénommé Akiho déboula dans la grande salle, bras croisés derrière la tête, l’air goguenard. Il était l’ainé de sa sœur d’un an, et il lui menait parfois la vie dure. Mais leur complicité me rappelais ma propre famille. Ma petite sœur surtout. Hubu. Ca faisait pas mal d’années que je ne l’avais pas vu, je me demandais comment elle pouvait se porter, d’ailleurs. Elles, et ma mère. Pour dire la vérité, dans mes moments comme celui-là, elles me manquaient. Surtout maman. Ses conseils m’avaient toujours été précieux.‘’ Ce n’est pas à ça que sert un sabre, Fuyuko. - A quoi alors ? - A tuer les méchants ! ‘’Je souris sans répondre à Akiho. Je n’étais même pas sûr de la véritable utilité d’un sabre, justement. Pour protéger ? C’était ce que je pensais, fermement, jusqu’ici, mais les évènements récents me faisaient clairement douter.
Une exclamation de voix me fit détourner le regard vers le comptoir. Un homme était en train de discuter violemment avec le tenancier. Je tendis l’oreille pour happer quelques bribes de la conversation.‘’ … alors souviens-toi que je règne sur le village. Alors quand je dis que tu me dois des thunes, tu me les donnes, et c’est tout. - J’aimerais beaucoup, Monsieur Jôgo, mais j’ai à peine de quoi subvenir aux besoins de ma famille …- Tu me connais, tu sais que ça peut s’arranger. Si tu peux pas payer à cause de tes mioches, j’ai juste à nous en débarrasser pas vrai ? ‘’Le ton était monté, et le tenancier, en larmes, balbutiait des choses incompréhensibles tandis que le bandit avait tourné le regard vers les deux gamins. Fuyuko s’était réfugiée derrière moi et s’accrochait fermement au bas de ma veste. Akiho, lui, serrait les poings et regardait farouchement le fameux Jôgo. Celui-ci s’approcha de quelques pas.‘’ Eh ben quoi gamin ? T’es pas content ? Tu veux dire quelque chose ?- Arrêtes d’embêter papi. - Et tu vas faire quoi au juste ? Avec tes petits poings ? Tu sais que j’ai une arme ? ‘’Akiho recula en voyant l’homme porter la main au sabre qui était à sa ceinture. Sans trop réfléchir, j’écartais gentiment Fuyuko, puis posais la main sur l’épaule d’Akiho pour le faire reculer. Je posais à mon tour ma main sur mon arme.‘’ Je vais vous demander de sortir de cet établissement, de rassembler vos compères et de quitter le village sans délais. Et si vous commettez l’erreur de tirer votre arme à l’intérieur d’un honnête établissement, je me verrais dans l’obligation de faire de même. - T’as du cran petit. Mais j’vais pas me barrer sans mon fric. T’sais que les Metsukes t’aideront pas, hein ? Ils n’osent pas intervenir parce que s’ils le faisaient, je les découperais sans pitié. Comme je suis de bonne humeur, si tu rejoins ma bande je t’accorde la grâce. ‘’Jôgo tira son arme de son fourreau. Machinalement et immédiatement, je fis de même. L’homme était grand, bâti puissamment, et à en juger ses cicatrices il n’avait jamais eu peur de se battre dans sa vie. Il avait de l’expérience à revendre. Et son sourire en disait long : il n’hésiterait pas à me tuer si je résistais. Je haïssais ce genre de personnes. Dans une région aussi éloignée de la capitale, les forces de l’ordre ne pouvaient pas tout gérer et le clan Miyamoto, dont les membres étaient devenus des mercenaires, ne pouvait pas régler tous les problèmes de ce genre. Que des personnes osent en profiter pour s’en prendre à ceux qui n’avaient pas eu la chance d’apprendre ce qu’était la force me dégoutait profondément. Je venais de me souvenir de la raison pour laquelle j’avais accepté d’apprendre à manier une arme, et d’apprendre à tuer. C’était pour ce genre de situations. La justice dont parlait si souvent Tokagiri. J’étais un idéaliste, tout simplement. Sans aucuns atouts naturels, avec seulement un rêve rose bonbon. ‘’ Si vous faites un pas en avant, je vous tuerais sans aucune hésitation. Je vous conseille de rengainer et de vous diriger vers la sortie. ‘’Je crus voir une once d’hésitation dans son regard, et sa main se rabaisser légèrement. A ce moment précis, j’aurais pu bondir en avant et attaquer. Mais prendre par surprise quelqu’un qui doute n’était pas dans mes enseignements. Il avait droit à l’opportunité de demander pardon et de partir. De reculer avant d’avoir franchi le point de non-retour, tout salopard qu’il était. Il n’avait proférer que des menaces devant moi. Rien ne me prouvait qu’il avait commis un quelconque crime impardonnable, quand bien même je n’en doutais point. Avec un sourire hilare, Jôgo fit le fameux pas en avant. Immédiatement, je franchissais la distance qui nous séparait et frappait latéralement. Le coup de taille heurta bruyamment un sabre surprit, mais qui me repoussa par la force, sans réelles difficultés. Le visage de Jôgo était devenu sérieux. Il venait de comprendre que l’attaque était conçue pour trancher dans le vif, et que j’avais eu un enseignement qui m’empêchait d’hésiter au cours d’un duel. Malgré tout, quand il passa à l’attaque à son tour, je reculais prestement. Esquives de justesse, pas en arrières, presque des vols planés tant ses coups étaient forts. Il m’écrasait tout en puissance. ‘’ Restes en mouvement ! ‘’La voix de Tokagiri. Celle qu’il utilisait lors de nos multiples confrontations. ‘’ Des pas chassés ! Latéraux, pas seulement en arrière ! Tournes autour ! Ne te laisse pas repousser, amènes-le où tu veux ! ‘’Je modifiais ma façon de bouger instinctivement, commençant à mieux supporter l’affrontement. Suffisamment pour me retrouver en position d’attaque. Mais mon offensive fut repoussée violemment, et je manquais de finir empaler. ‘’ Non ! Pas en force ! Pas d’attaque directe et lisible ! Si tu ne peux pas passer une garde puissante et réactive, alors utilise des feintes ! ‘’Mon sabre vola vers sa gorge, et dévia au dernier moment, tranchant profondément la chaire de son poitrail. Ca saignait beaucoup, mais je n’avais rien touché de vital. Normal, les cours sur les points vitaux de Tokagiri n’étaient que de la théorie pour le moment. Je n’avais pas encore appris à les viser. Et même si je savais où ils étaient, je ne savais pas comment les atteindre. Les seuls qui m’étaient accessibles, c’étaient la gorge, et un autre situé au niveau de l’abdomen. C’étaient aussi les seuls qui me venaient à l’esprit en ce moment. Dans ce cas, la méthode pour l’emporter était plus simple que ce que je pensais. Les feintes fonctionnaient. Viser un point vital, et en toucher un autre. Voilà ce que je devais faire. Ma lame partit vers son abdomen, mais son sabre vint en opposition. La déviation, en un éclair, trancha net un point précis au niveau de son cou. Il n’y eut pas une seule parole de la part de Jôgo. Seulement des balbutiements étranglés par le sang, et le choc de sa chute. Il était mort net. Je rengainais, encore sous le choc et rempli par l’adrénaline. Je venais de tuer un homme au cours d’un duel. Plus puissant que moi. Et sans aucune hésitation. Tout s’emmêlait dans mon esprit. Je me tournais vers l’aubergiste :‘’ Je … Désolé. Je dois partir. Si jamais ses acolytes reviennent pour vous chercher des problèmes …- On appellera les Metsuke, jeune homme, ne vous en faites pas. Vous n’avez rien à vous reprocher, au contraire. Je vous remercie du fond du cœur d’avoir sauvé mes enfants. Vous pouvez rester ici autant de temps qu’il vous plait, je vous serais éternellement reconnaissant et redevable. Je ne vous l’ai pas demandé, mais quel est votre nom complet mon garçon ?- Je vous remercie, mais je vais aller rejoindre mon maître. Je dois poursuivre là où je me suis interrompu. Je m’appelle Tokiwa Shinme. Et très bientôt je serais un samouraï du clan Miyamoto. Si jamais des problèmes se reproduisent dans la région, envoyez quelqu’un à Hakune et demandez à me voir. Je viendrais vous aider. ‘’ Je posais ma main sur la tête d’Akiho. ‘’ Protèges bien ta petite sœur. Je sais que tu es quelqu’un de courageux. Sans doute même plus que moi. - Tu vas être samouraï, hein ? Un de ces jours je le serais aussi ! Tu m’apprendras cette attaque que tu as utilisé ?- Peut-être bien. Qui sait ? Restes aussi digne de confiance que tu l’es maintenant et je n’y verrais pas d’inconvénient. ‘’… ‘’ Je savais que tu reviendrais. Tu as trouvé ce qu’il te manquait ? - J’ignore si l’épreuve que j’ai traversée est un message du Dragon. Mais en tous cas je me suis souvenu de la raison pour laquelle j’avais accepté de me battre. Tokagiri ? - Oui ?- Je n’ai pas été digne de ton enseignement. Je suis sincèrement désolé. J’ai enfin compris toute la portée de ce que tu tentes de m’apprendre. La manière de l’utiliser. ‘’Je dégainais mon arme. Tokagiri fit de même, sans se départir de son sourire. ‘’ Tu veux déjà mettre tout cela à l’œuvre ?- Je suis sur la lancée. Je dois rester en mouvement. ‘’
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| | | Tokiwa ShioriMessages : 49
| Sujet: Re: Mémoires de Shiori. Jeu 10 Déc - 0:22 | |
| La destinée est l’affaire des dieux : Rôle de Shiori au sein du clan Miyamoto, héritage de sa lignée paternelle.Les passants qu’on oublie : Simple recueil d’anecdotes.- Spoiler:
1679. (ce texte fait suite au rp '' Deux samouraïs et la source cachée '')
Ma hanche bandée me démangeait, mais elle était presque guérie. Même si ça me grattait un peu par périodes, la blessure n’étant pas profonde, deux ou trois jours de repos avaient suffis pour qu’elle commence à se résorber. Le combat avec le vagabond nommé Shôma me paraissait même plutôt loin actuellement. Tranquillement assis à une table de l’auberge locale, je sirotais un verre de lait en savourant un repas frugal. Quelques forces avant l’entreprise de l’après-midi me seraient nécessaires. Je n’avais encore rien éclaircit au sujet du samouraï en tenue blanche qui errait dans les bois tout proches ou même sur la légende de la source cachée. Celle dont l’eau pouvait guérir n’importe quelle blessure. Et comme j’avais passé quelques jours à me remettre, je n’avais pas avancé d’un poil. Parler aux habitants qui venaient manger à l’auberge après leur journée de labeur ne m’avait rien appris de plus. Enfin, plutôt pas grand-chose. Et en plus, je doutais que la moitié des rumeurs soient réelles. Il faudrait que j’aille voir ça de mes propres yeux cet après-midi.
Un groupe de trois personnes franchirent le pas de la porte. Des travailleurs qui revenaient des rizicultures à en juger par leurs tenues. Leurs regards parcoururent la salle, et une grimace apparue sur le visage de l’un d’entre eux. Un bref coup d’œil me permit d’en comprendre l’origine : pas de tablée de libre. D’un signe je leur priais d’approcher. Ce qu’ils firent.
‘’ Je peux aisément partager ma table avec vous, d’autant plus que je ne vais pas tarder à la quitter, messieurs. ‘’
Ils s’entre-regardent, et l’un d’eux hausse les épaules avant de tirer une chaise.
‘’ Merci bien, p’tit gars.
- Ah mais je vous reconnais, vous êtes le samouraï qu’est venu enquêter sur le type louche qui rôde dans les bois, non ?
- C’est exact. C’est même la raison pour laquelle je dois partir bientôt. ‘’
On vient leur servir de quoi manger, sans même poser la question. L’attitude me signale clairement que ce sont des habitués. Ils ont l’air de s’être détendu en entendant leur ami évoquer la raison de ma venue dans les parages. Quand bien même, j’essuie pas mal de regards intrigués. J’en ai l’habitude. Un samouraï avec ma carrure, ça ne court pas vraiment les rues.
‘’ Du coup, ça avance bien c’t’histoire ? C’est que c’est un peu inquiétant, v’voyez ?
- Je n’ai fait qu’un repérage des lieux pour le moment, mais je n’ai pas croisé l’individu qu’on m’a évoqué. Mais vous n’aurez bientôt plus de souci à vous faire, je compte bien éclaircir et régler cette affaire dans les plus brefs délais.
- C’rassurant à entendre, p’tit gars. M’est d’avis qu’le chef du village a bien fait d’appeler le clan Miyamoto à la rescousse. C’est qu’c’est bon de savoir que les meilleurs samouraïs du pays sont prêts à nous protéger quand on en a besoin !
- Notre Daimyo est quelqu’un de bien, et elle se soucie des intérêts de tous. Ca a toujours été la doctrine du clan Miyamoto après tout. Fermeté et justice. Sagesse, et force. Eh bien, messieurs, je vais vous souhaiter de passer une bonne journée. Je vais m’atteler à la tâche. ‘’
Des grognements qui semblaient être des encouragements, auxquels je répondis avec un simple sourire avant de me lever et de m’éloigner. Les meilleurs samouraïs du pays. Shôma aussi avait évoqué cette réputation avant de me défier, dans la forêt. Si j’avais su qu’un jour je ferais parti de cette élite, et ce qu’elle engendrerait sur mon mode de vie ou mes choix … Sur la vision que les autres avaient de moi. J’en aurais sûrement beaucoup rit à une certaine époque. Bon, toujours était-il que ma mission ici n’était pas encore achevée. Je n’avais pas trouvé le samouraï en tenue blanche, et au katana incrusté d’étranges symboles. Ma blessure n’était désormais plus que superficielle, et j’étais paré pour un nouvel affrontement si jamais c’était nécessaire. Je sentais que quelque chose de pas très clair se cachait derrière le masque du samouraï blanc, et pour dire la vérité, j’espérais que je me trompais. Mon instinct n’était ni le plus aiguisé, ni le meilleur, mais j’étais troublé par la seule idée d’avoir à affronter cet adversaire alors même que je ne l’avais jamais rencontré.
Avant de quitter le village, je m’arrêtais quelques minutes aux abords de celui-ci, à l’ombre d’un cerisier. L’arbre que je considérais comme le symbole de la protection de Ryuu, parce que c’était celui qui embellissait Hakune. Je posais entre ses racines un médaillon orné d’une inscription, avant de réciter ce qui y était écrit. Une prière pour demander le courage et la force. C’était un petit rituel que j’effectuais à chaque fois que je sentais venir une dure journée.
Je choisis de reproduire le manège que j’avais entrepris il y a quelques jours afin de dénicher l’emplacement de la source cachée. Je suivais les traces d’une augmentation de l’humidité. Plus de densité dans la végétation ou bien des coins bondés de mousse, entre autres. Ou simplement plus de boue sur le sol. Il n’avait pas plût ces derniers jours, donc ce devait être de plutôt bons indicateurs. C’était ce que je supposais. Mais la quasi entièreté de l’après-midi ne me fit rien rencontrer, et rien trouver d’autre que des traces de vie animale. Alors que je m’apprêtais à abandonner pour aujourd’hui et à chercher une nouvelle approche, je vis pour la première fois un résultat.
Je dépassais une barrière d’arbres, débouchant sur un lac dans lequel se déversait une cascade d’une eau incroyablement claire. Les yeux écarquillés devant le spectacle, je m’en rapprochais, ayant oublié tout sentiment défaitiste. Je passais les doigts dans cette eau étonnement limpide. Alors que je voulus en prendre au creux de mes mains, pour en boire une gorgée, éreinté par le trajet, je réalisais qu’elle était beaucoup trop légère et volatile, et que je n’arrivais pas à la contenir dans leur creux. Cette eau était aussi saisissable que le vent lui-même. Ca, et le cadre idyllique … C’était un peu comme avoir atteint un domaine divin. J’attrapais ma gourde, à défaut de pouvoir boire cette eau, pour étancher ma soif. Quand je remettais en place le bouchon, je distinguais un mouvement à ma droite, et fis un pas sur le côté pour faire face à la silhouette qui venait d’apparaître. Apparaître c’était le mot, car je ne l’avais pas du tout entendu arriver. C’était peut-être à mettre sur le dos de la vision paradisiaque qui s’étendait sous mes yeux et avait presque entièrement mon attention. Mais tout de même, avoir les sens aux aguets faisait partie de mon mode de vie. Je n’étais pas habitué à être pris au dépourvu.
Le samouraï au kimono blanc. Un masque de démon cornu posé sur le visage, encadré par une longue chevelure noire aux reflets bleutés. Et le fourreau de son arme, orné d’étranges symboles dans une langue que je ne lisais pas. Son arme était encore dans son fourreau, ce qui fit que la mienne le demeura aussi. Je me contentais d’un salut protocolaire, lui laissant la première parole. JE ne savais, après tout, pas à qui j’avais à faire. Tout ce que je distinguais à l’heure actuelle c’était un port altiers, une haute taille pleine de dignité, et une sensation de quiétude. C’était plus que de la simple confiance en soi, c’était plutôt une sorte de certitude absolue. Au-delà de celle qu’un simple mortel peut posséder. Un peu comme si mon opposant était un jouet du destin, tout comme moi, mais qu’il n’en ignorait pas les rouages. Un mal de ventre me prit au contact de cet être qui me parut aussitôt posséder quelque chose d’un tant soit peu mystique. Seulement, son masque n’était pas celui de quelque chose qu’on pourrait qualifier de bon. Ni de bienveillant.
‘’ Tokiwa Shinme. Pars d’ici immédiatement, jeune samouraï. Ton âme n’est pas corrompue, aussi ta vie sera sauve et tes souvenirs intacts. Mais tu n’as pas le droit de demeurer en ces lieux. Vas-t-en immédiatement. ‘’
J’en restais abasourdi. Il ne connaissait pas seulement mon nom, mais mon nom d’enfance ! Celui qui, dans ma vie, avait dû être utilisé par environ une dizaine de personnes. Ma famille, Tokagiri, et Rukina quand nous étions plus jeunes. A peu de choses près, c’était un bon résumé. Et cet avertissement résonnait étrangement loin dans mon crâne. Je ne savais pas réellement où j’en étais, à vrai dire.
‘’ Qui … Qui êtes-vous ? Plus personne ne connait ce nom … Comment …
- C’est le nom avec lequel ta mère t’a présenté aux dieux. C’est donc le seul qu’ils connaissent. Et je ne suis plus personne depuis longtemps. Ce sont les seules questions auxquelles je répondrais, maintenant pars loin d’ici.
- Je … J’ai besoin de présenter mes respects à ce lieu. Puis-je ? ‘’
Un signe de tête me tint lieu d’assentiment. Comment pouvais-je manifester mon respect désormais ? Je ne voyais qu’une seule manière de le faire. Avec ce que je pouvais produire de plus beau. J’attrapais la flûte qui était sous mes vêtements et la portait à ma bouche. Seulement, au moment où mes lèvres produisirent la première note, je commis une erreur : me poser une question. Je voulais savoir quelle attitude adopter face à l’ultimatum de cet homme aux allures mystiques. Si bien qu’une fois la mélodie achevée, j’avais la conviction que je ne pouvais pas m’en aller aussi facilement. Je posais la main sur la garde de mon sabre avant de choisir mes mots avec honnêteté et exactitude.
‘’ La mission qui m’a été confiée par les dieux est de protéger et d’accompagner l’héritière du Dragon. Elle m’a confié la mission de venir enquêter sur la légende de la source cachée, et d’identifier l’étrange samouraï blanc que certains villageois ont aperçu. Si je m’en vais maintenant, alors que vous ne m’avez fourni aucune réponse, et sans avoir rien tenté, je ne serais pas digne du rôle que l’on m’a confié.
- Nous allons arriver au point de non-retour, jeune samouraï, si tu tentes de t’obstiner. Et je serais obligé de retirer mon masque et de tirer mon sabre. Tu te rends compte de ce que cela implique ?
- Tout ce dont j’ai besoin c’est de quelques éléments de réponse. Après quoi je vous promets de m’en aller comme vous l’avez exigé. ‘’
Le samouraï en blanc porta la main à son visage et retira le masque qui l’ornait. Ce qui apparut au-dessous m’étonna au point que j’en perdis ma concentration pendant quelques secondes. Ce visage était celui de Hiko ! J’en demeurais bouche bée jusqu’à ce qu’il parle à nouveau. Ce n’était pas la voix d’Hiko. Tout cela devenait de plus en plus étrange, et l’accent mystique était encore plus réel qu’auparavant.
‘’ Alors voici la personne que tu craindrais le plus lors d’un duel à mort ? Il est extrêmement rare que je sois empli de ce genre d’émotions quand j’affronte un guerrier, jeune samouraï. Je ne ressens aucune soif de sang. Juste un respect profond, de la jalousie peut-être même un peu de rivalité. Les bases d’une solide amitié inavouée. Je suis accoutumé à me sentir supérieur lorsque j’affronte quelqu’un en ôtant mon masque mais ce n’est pas le cas maintenant. Cet être que tu crains, verrait peut-être ton visage si je retirais mon masque devant lui, tu t’en rends compte ?
- Par la grâce de Ryuu … Mais qui êtes-vous ?
- Personne, je te l’ai dit. Donc, veux-tu toujours t’obstiner ?
- Je jure au nom du Dragon de ne jamais parler de cet endroit à quiconque, au-dehors de la réponse que vous me donnerez, si vous répondez à une seule question. Si vous me donnez un seul élément qui me permette de dire que ma mission est accomplie. Je vous en conjure, je ne veux pas vous affronter, et le résultat de notre affrontement ne m’intéresse pas. Alors j’implore votre clémence et votre compréhension.
- Sous certaines conditions, l’eau de la source que tu aperçois derrière toi peut effectivement provoquer certains miracles. Et je n’apparaîtrais plus aux villageois s’ils ne s’aventurent pas loin dans les bois. Maintenant vas-t-en. ‘’
J’ôtais ma main de la garde de mon katana et inclinait ma tête en signe de respect.
‘’ Je vous remercie. Je tiendrais ma promesse. Je signalerais simplement que vous n’apparaîtrez plus jamais, et je ne parlerais à personne de tout cela. Je ferais comme si j’avais tout oublié.
- Reste celui que tu es, Shinme. Je pense que Ryuu est fier de ses enfants. ‘’
Le samouraï en blanc disparut à l’instant où je tournais les talons.
J’ai passé pas mal de nuits à me remettre de tout cela. Mais aujourd’hui, mes souvenirs de cette aventure sont extrêmement flous. Me souvenir du moindre mot est extrêmement compliqué. La moindre image me demande un puissant effort de mémoire, et cela ne marche que très peu souvent. Un peu comme si j’avais rêvé. C’était peut-être le cas, d’ailleurs.
Toujours était-il qu’il m’arrivait de m’interroger à propos de cette journée tout en regardant ma shinobue. Si un jour la situation l’exigeait est-ce que les tréfonds de mon âme me permettraient de me remémorer cet épisode ? Si les souvenirs étaient ancrés au fond de moi, sans doute. Mais je ne tenterais pas l’expérience à moins que ce ne soit vraiment nécessaire. J’avais promis devant le dragon de ne jamais en parler. Pour l’heure mieux valait oublier tout ça. Après tout je n’avais fait qu’accomplir mon devoir, là-bas.
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